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Reconaissance Et Exécution Des Jugements Étrangers en Matière Civile Et Commerciale en Italie

Riconoscimento Decisioni Internazionali in Italia

Introduction

Si vous êtes un entrepreneur étranger envisageant de conclure des affaires en Italie ou un Italien cherchant à étendre ses activités commerciales à l’international, cet article peut vous être utile. Considérons par exemple un créancier italien ayant fourni une machine à un débiteur français. Après la conclusion du contrat, des litiges peuvent survenir. Dans de telles circonstances, si le contrat est soumis à la loi italienne, le créancier italien pourra obtenir un titre exécutoire d’un tribunal italien, puis le faire valoir en France afin de recouvrer sa créance. De même, en cas de litiges en France, une décision favorable rendue par un tribunal français devra être reconnue et exécutée par les autorités italiennes pour garantir les droits du créancier français en Italie.

Un système efficace de reconnaissance et d’exécution des jugements étrangers joue un rôle crucial dans la réduction des délais et des incertitudes associés aux litiges transfrontaliers tant au sein de l’UE qu’à l’extérieur.

L’article analyse l’importance des mécanismes juridiques de reconnaissance et d’exécution des jugements étrangers dans les relations commerciales internationales. Tout d’abord, l’article examine le fonctionnement de ces mécanismes au sein de l’Union européenne, en mettant en lumière le rôle du règlement Bruxelles I bis. Ensuite, la position de l’Italie concernant la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers provenant de pays hors de l’UE est analysée, ainsi que l’impact spécifique du Brexit sur ces procédures, en mettant l’accent sur les relations entre l’Italie et le Royaume-Uni.

Reconnaissance Et Exécution Des Jugements Dans L’union Européenne (Bruxelles I Bis)

La reconnaissance des jugements

La reconnaissance des jugements est le processus par lequel une décision judiciaire rendue dans le pays d’origine est reconnue comme légalement valide dans un autre pays (État requis), avec tous ses effets juridiques tels que déterminés dans le pays d’origine. L’Italie, en tant que membre de l’Union européenne, bénéficie des dispositions du règlement européen n° 1215/2012, connu sous le nom de Bruxelles I bis, sur la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

L’article 36 (1) de ce règlement prévoit que les jugements rendus dans un État membre bénéficient d’une reconnaissance automatique (“reconnaissance de plein droit”) dans tous les autres États membres sans aucune formalité requise. Il est important de préciser que le fond d’un jugement étranger ne peut en aucun cas être modifié par l’État requis.

L’exécution des jugements

Cependant, dans la très grande majorité des cas, la simple reconnaissance d’un jugement n’est pas suffisante ; son exécution est tout aussi cruciale. Une fois qu’un tribunal a rendu un jugement sur un litige, l’exécution consiste à faire respecter cette décision, en contraignant généralement la partie défaillante à se conformer aux termes du jugement, tels que le paiement de dommages et intérêts. De manière similaire à la procédure automatique de reconnaissance des jugements dans l’UE, l’article 39 du règlement n° 1215/2012 prévoit l’exécution automatique des décisions, ce qui signifie qu’une décision ayant force exécutoire dans l’État membre d’origine aura la même force dans les autres États membres sans aucune procédure spéciale requise. Le règlement “Bruxelles I bis” n° 1215/2012, qui s’applique à tous les États membres de l’U.E. à l’exception du Danemark, remplaçant le règlement 44/2001, a donc éliminé la procédure d’exequatur, par laquelle le juge autorise et confère force exécutoire à une décision judiciaire étrangère. Pour le Danemark, le règlement 44/2001 reste applicable.

Refus De Reconnaissance Et D’exécution Des Jugements Dans L’union Européenne (Bruxelles I Bis)

Cependant, quelques exceptions subsistent au principe de mutuelle reconnaissance et d’exécution immédiate, bien qu’elles soient restreintes. L’article 45 du règlement n°1215/2012 établit que la reconnaissance d’une décision peut être refusée dans plusieurs cas :

  • Si cette reconnaissance est en claire contradiction avec l’ordre public de l’État membre requis.
  • Si la décision a été rendue par défaut et que le défendeur n’a pas eu l’opportunité de se défendre de manière appropriée.
  • Si la décision est en conflit avec une décision antérieure impliquant les mêmes parties dans le même litige.
  • Et si la décision entre en conflit avec une décision antérieure rendue dans un autre État membre ou dans un État tiers entre les mêmes parties dans un litige similaire.

L’exécution des décisions en violation de l’ordre public

Dans l’affaire C-681/13 (Diageo Brands BV contre Simiramida-04 EOOD), la Cour de justice de l’Union européenne établit que l’exception à la reconnaissance d’une décision pour violation de l’ordre public doit être interprétée de manière stricte : seulement si la décision représente une “violation manifeste d’une règle de droit considérée comme essentielle dans l’ordre juridique de l’Union et donc dans celui de l’État membre requis ou d’un droit reconnu comme fondamental dans ces ordres juridiques.” Par conséquent, la Cour estime qu’une simple erreur commise par un État membre concernant le droit de l’Union ne justifie pas l’utilisation de cette exception, car les mécanismes de recours ordinaires disponibles dans chaque État membre sont suffisants.

L’exécution d’une décision rendue par défaut

Quant à l’exécution des décisions rendues par défaut, la Cour s’est exprimée dans l’affaire C-283/05 (ASML Netherlands BV contre Semiconductor Industry Services GmbH (SEMIS)). La Cour a précisé qu’un défendeur est considéré comme “en mesure” de contester une décision rendue par défaut dans un autre État membre s’il a eu connaissance de son contenu suffisamment tôt, afin de pouvoir faire valoir ses droits efficacement devant le juge de l’État d’origine. Si une partie est informée seulement de l’existence d’un jugement civil rendu à son encontre en son absence dans un autre État membre, cela constitue un motif de refus d’exécution dans d’autres États de l’Union européenne, car elle aurait au moins dû être informée du contenu du jugement pour éventuellement le contester.

En pratique, il y a peu de cas de refus de reconnaissance et d’exécution en Europe.

Au-delà De L’europe : Reconnaissance Et Exécution Des Jugements À L’international-la Position De L’italie

L’Italie est signataire de plusieurs conventions internationales qui facilitent la reconnaissance des jugements étrangers, telles que la Convention de Lugano et la Convention de La Haye. Bien que ces conventions partagent des objectifs similaires en facilitant la reconnaissance et l’exécution des jugements dans des contextes internationaux, elles diffèrent en termes de domaine géographique, de secteurs couverts, de procédures et de relations avec d’autres instruments juridiques.

La Convention de Lugano du 2007

La Convention de Lugano, adoptée en 2007 en remplacement de celle de 1988, a été établie entre la Suisse, la Communauté européenne, le Danemark, la Norvège et l’Islande, en tant qu’accord parallèle au règlement UE n° 44/2001 (règlement “Bruxelles I”), ensuite remplacé par le règlement n° 1215/2012 (« Bruxelles I bis »). La Convention de Lugano (2007), tout comme le Bruxelles I bis, stipule que les jugements rendus dans un État membre sont reconnus dans tous les autres États membres, sans nécessité de formalités particulières. Cependant, il existe une différence entre ces conventions : la Convention de Lugano nécessite encore la procédure d’exequatur, ce qui signifie que l’exécution des décisions n’est pas automatique entre les membres de la convention. Jusqu’à présent, aucun effort n’a été fait pour aligner la Convention de Lugano (2007) sur le Règlement Bruxelles I bis (2012). La principale raison réside dans la nécessité d’une certaine convergence des systèmes juridiques pour éliminer la procédure d’exequatur, ce qui s’avère difficile en dehors de l’Europe.

La Convention de La Haye du 2019

En ce qui concerne la Convention de La Haye (2019) sur la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers en matière civile ou commerciale, elle est entrée en vigueur le 1er septembre 2023 en Ukraine et dans l’Union européenne. Le Costa Rica, Israël, la Russie, les États-Unis et l’Uruguay n’ont pas encore ratifié la convention malgré leur signature.

La Convention de La Haye, inspirée par le Bruxelles I bis et la Convention de Lugano, pourrait atteindre un objectif depuis longtemps attendu, s’elle sera ratifiée par beaucoup de Pays : établir des règles minimales communes pour la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers à l’échelle mondiale.

Ces règles communes portent sur les critères de validation et de refus des jugements étrangers. Bien qu’il n’y ait pas de reconnaissance et d’exécution automatiques, les délais, les coûts et les risques juridiques liés aux litiges transfrontaliers seraient considérablement réduits.

La loi italienne n° 218 du 31 mai 1995

Dans le cas des décisions provenant d’États non-membres de l’Union européenne et en l’absence de conventions existantes entre l’Italie et cet État concernant leur reconnaissance et leur exécution, la loi italienne n° 218 du 31 mai 1995 s’applique. Les articles 64 à 71 prévoient la reconnaissance des jugements étrangers en Italie sans formalités sous certaines conditions. En ce qui concerne l’exécution, celle-ci n’est pas automatique et il est nécessaire d’obtenir un titre exécutoire en Italie.

Post-Brexit: Reconnaissance Et Exécution Des Jugements Entre L’ Italie Et Le Royaume-Uni

Le 31 janvier 2020 à minuit, le Royaume-Uni a officiellement quitté l’Union européenne à l’issue de longues négociations visant à parvenir à un accord de retrait. Avant le Brexit, le processus de reconnaissance et d’exécution des jugements entre le Royaume-Uni et l’Italie était régi par le règlement n° 1215/2012, Bruxelles I bis, qui permettait une reconnaissance et une exécution automatiques des décisions entre les pays. Cependant, depuis le 1er janvier 2021, les jugements étrangers ne bénéficient plus de ce mécanisme européen au Royaume-Uni. Ils sont désormais soumis aux règles nationales britanniques en matière de reconnaissance et d’exécution, sauf s’il existe des conventions entre les pays concernés. Contrairement au droit européen, le droit anglais dit ‘Common law’  complique la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers. Le Royaume-Uni exige que les jugements étrangers soient définitifs, émanant d’une juridiction compétente et qu’ils concernent une dette spécifique. À l’inverse des dispositions généreuses de Bruxelles I bis, qui autorisent l’exécution de jugements non pécuniaires, d’injonctions provisoires ou de jugements de première instance susceptibles d’appel dans d’autres États membres.

L’accord bilatéral entre le Royaume-Uni et l’Italie

Avant de rejoindre l’Union européenne, le Royaume-Uni a signé un accord bilatéral avec l’Italie, établi par la Loi du 18 mai 1971. Cet accord, intitulé “Ratification et exécution de la convention entre l’Italie et la Grande-Bretagne sur la reconnaissance et l’exécution des décisions judiciaires en matière civile et commerciale et du protocole d’amendement, conclus à Rome respectivement les 7 février 1964 et 14 juillet 1970”, est encore en vigueur dans les situations où la Convention de La Haye de 2005 (Ratifiée par l’UE, le Mexique, Singapour, le Monténégro, le Danemark, le Royaume-Uni) ne s’applique pas.

Les autres Conventions

La Convention de La Haye de 2005, à laquelle ont adhéré à la fois l’Union européenne et le Royaume-Uni, établit des règles sur la détermination de la juridiction compétente et sur la reconnaissance et l’exécution mutuelles des jugements en matière civile et commerciale par les tribunaux des pays signataires. Cependant, pour que ces principes soient applicables, il est indispensable que les parties aient clairement désigné, par accord, un tribunal spécifique comme seul compétent pour résoudre tout litige. Il en va de même pour l’option de l’arbitrage, la Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères (New York, 1958) signée par tous les pays européens et le Royaume-Uni, qui requiert également un consentement mutuel des parties concernant le choix de l’arbitrage pour résoudre tout différend.

Pour s’aligner sur le mécanisme européen uniforme et simplifié pour la reconnaissance des décisions, le Royaume-Uni a suggéré d’adhérer à la Convention de Lugano (2007), laquelle, comme mentionné précédemment, est un règlement parallèle à Bruxelles I. Cependant, il est nécessaire que tous les signataires de la Convention de Lugano (Danemark, Islande, Norvège, Suisse, UE) donnent leur consentement et celui de l’Union européenne reste encore à obtenir.

Conclusion

Les activités commerciales au sein de l’Europe sont facilitées par les procédures de reconnaissance et d’exécution des jugements. Grâce au règlement Bruxelles I bis, la reconnaissance et l’exécution automatique des décisions judiciaires entre les États membres offrent une meilleure protection des intérêts commerciaux en cas de litiges. De cette manière, le recouvrement des créances à l’étranger est également facilité.

Sur le plan international en dehors de l’Europe, le mécanisme établi entre les pays signataires de la Convention de Lugano de 2007 et de la Convention de La Haye de 2019 est également simplifié, même s’il peut encore être nécessaire de recourir à la procédure d’exequatur. Ces accords offrent des solutions pratiques qui réduisent les obstacles et les incertitudes liés aux litiges transfrontaliers.

En ce qui concerne le Royaume-Uni, la situation est légèrement plus complexe. Tant que le Royaume-Uni n’aura pas ratifié la Convention de Lugano de 2007, il est toujours recommandé d’inclure dans les contrats une clause de choix du tribunal anglais ou italien exclusivement compétent pour résoudre les éventuels litiges entre les parties. Cela est dû au fait que l’Italie et le Royaume-Uni sont tous deux parties à la Convention de La Haye de 2005 qui exige cette formalité.

En alternative, les parties contractantes pourront inclure dans les contrats une clause compromissoire, qui bénéficiera des effets de la Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères (New York, 1958).

Cette mesure (c’est-à-dire, une clause de choix du tribunal compétent ou une clause compromissoire) garantira un déroulement plus fluide des litiges et évitera la complexité des réglementations nationales en droit international privé, en attendant un éventuel accord entre le Royaume-Uni et l’Union européenne sur la question.

 

Marie Vanswevelt